On peut expliquer la notion de « biais », comme étant, la tendance à accorder une pondération disproportionnée soit en faveur, soit contre un fait, une croyance ou une idée.
Dans cet article, j’aimerais aborder la notion de biais de « pérennité des modèles de business et des modèles d’entreprise ».
En effet, le chef d’entreprise (surtout s'il est son créateur), a une tendance à se concentrer sur les aspects systémiques proches (l’entreprise dans son environnement immédiat).
Il (elle), y consacre donc beaucoup de temps, essentiellement pour l’amélioration continue.
Nul doute, cette approche est vitale pour le bon fonctionnement de son entreprise. Bon nombre de sociétés, ont d’ailleurs adopté des méthodes professionnalisées d’amélioration continue à petits pas (comme le Kaizen, le 5S, Ishikawa…).
Ceci étant dit, si on s’accorde à reconnaître la nécessité d’une telle approche, il est également très important d’admettre son insuffisance. Pourquoi une démarche d’amélioration continue à petits pas peut s’avérer insuffisante?
Le mécanisme d’amélioration continue marche sur le principe suivant : observation, mesure des caractéristiques clés, action de changement continu, vérification de l’efficacité des mesures prises.
Une des causes racine de l’insuffisance des méthodes à petits pas, réside dans le fait que l’étape d’observation, est soumise à des biais cognitifs et à des pressions socio-professionnelles conséquentes.
Parmi les plus classiques on peut citer le « change blindness » (la cécité au changement), le biais de confirmation (privilégier les idées confirmant ses convictions), le biais de cadrage…
Des écarts d’adéquation entre le modèle de business construit par le dirigeant et l’environnement réel de l’entreprise, subsistent dès le début de l’entreprise. La réalité présente une certaine tolérance et accepte un certain nombre de modèles pendant un temps assez long sauf si….
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…sauf si les changements qui s’opèrent à un moment donné, touchent une très grande variété de domaines et changent ainsi des paradigmes qu’on pensait figées sur le plan économique, technologique, sociétal.
Un chef d’entreprise avisé doit donc savoir regarder à chaque fois que nécessaire, la date de péremption de ses opinions et de ses concepts de business.
Faire cet exercice, dans une démarche ouverte, positive en s’appuyant sur un modérateur compétent, stimulant intellectuellement et créatif, permettra d’adresser le sujet fondamental de la cohérence de son business model avec l’environnement.
Voici 5 raisons qui me font dire, qu’il serait bon de confronter son modèle économique actuel au test de l’obsolescence :
Raison #1 : Les nouveaux « e-comers » dans le monde digital
Je ne parle pas de la clientèle (ou patientèle) habituelle. Je veux dire des personnes dont l’âge est compris entre 21 et 55 ans.
Leur comportement vous est bien connu, la plupart d’entre eux ont des habitudes classiques. Ils forment la population « active ». Ils ont des besoins relativement homogènes et un rythme de vie assez prédictible.
Certaines entreprises peuvent presque prédire quand et comment ils commencent à être actifs sur les sites de e-commerce, en faisant un peu d’analyse de mégadonnées (« big data analytics»).
Non, il s’agit là des nouveaux « e-comers ». Force est de constater qu’il faut savoir faire, le grand écart en termes de compréhension de leurs habitudes de consommation et des facteurs déclencheurs la décision d’acheter.
Dans les plus jeunes, vous avez la génération « Z et post-Z ». Ce sont des « natifs-digitaux ». La plupart d’entre eux, sont un peu plus âgés que les premiers smartphones. Ils sont hyperconnectés. Leur parler du « temps d’écran » les fait sourire.
Leurs caractéristiques de consommation sont radicalement différentes de celles des générations antérieures. Ils sont orientés à plus de 80% par les influenceurs, par les réseaux sociaux et les communautés d’amis. Vous pourriez être très étonnés de la manière dont ils évaluent la valeur. Si vous savez peut-être ce qui est à la mode, eux ils savent ce qui a «le flow ».
A l’opposé, on trouve la génération post baby-boom, les jeunes « pré-retraités » (dont les rangs ont grossi récemment), les jeunes retraités et les séniors.
Ils sont tous également de nouveaux « e-comers ». Leurs habitudes sont bien plus raisonnées et influencées par des canaux d’information bien plus classiques. Un magazine spécialisé avec des comparatifs passera presque inaperçu par un « post-Z » alors qu’il aura une influence considérable dans les choix d’achat pour une personne de 65 ans.
Avez-vous pensé à évaluer la date de péremption de votre stratégie marketing? Etes-vous vous sûrs que vos offres sont assez inclusives ?
Raison #2 : L’impact de la digitalisation, de l’automatisation et de la robotisation sur votre chaîne de valeur
Votre entreprise peut être concernée, même si cela ne vous semble pas très évident. En effet, ces technologies concernent tout autant une clinique médicale, un cabinet de chirurgie dentaire, une cabinet de kinésithérapie, une PME, une petite société de production industrielle, un artisan du bâtiment ou une profession libérale hautement spécialisée.
Ce qui impacte réellement les entreprises sur leur chaîne de valeur dans ce domaine, ce sont les performances en dessous des promesses et l’erreur d’estimation systématique du coût de la part réelle de « dette technologique » à payer tous les ans.
Ne me méprenez pas, je ne suis pas contre l’automatisation ou la robotique (d’autant plus que j’ai débuté ma carrière dans ce secteur). Ce changement massif apporte également sa valeur rajoutée mais dans ce domaine, mieux vaut être exhaustif dans l’estimations des coûts et prudent dans les choix technologiques.
Prenons deux petits exemples pour illustrer cet impact:
1. Vous effectuez vous-mêmes certaines tâches administratives ou de logistique. Vous avez été séduit(e) par les fonctionnalités d’un software de RPA (Robotic Process Automation). Vous l’avez implémenté ou vous pensez l’implémenter.
Combien vous coûte au global cette opération ? Quels sont les impacts collatéraux ? Quel est l’impact réel sur vos coûts IT annuels ? Quelle plasticité reste encore pour vos infrastructures, vos processus et pour votre organisation ? La plupart des entreprises s’arrêtent au coût de l’acquisition des licences et de l’implémentation des outils, ce qui n’est que la partie évidente du problème.
2. Vous avez un métier hautement qualifié ou le geste technique est clé (disons dentiste ou orthodontiste, ophtalmologue, artisan d’art, bijoutier créateur …). Vous êtes à la recherche d’une complémentarité entre l’outil et le geste. Vous avez opté ou vous comptez opter pour un moyen d’impression 3D, de modelling automatique, d’usinage digital, ou de scanning, ou pour les services d’une société qui vous offre cette complémentarité.
Etes-vous sûr que vous préservez toujours votre part dans la chaîne de valeur de vos propres produits ou services ? Où sera le centre de gravité de votre savoir-faire dans le temps ? Comment allez-vous compenser pour la partie de la chaîne de valeur allant chez votre nouveau fournisseur? Comment allez-vous valoriser le temps gagné concrètement?
Qu’il s’agisse d’automatiser le traitement de vos bases de données des clients, de vos factures, du polissage de vos bijoux, de la cartographie 3D d’une surface complexe, de la construction d’un mûr, de la manutention ou des contentions ou des prothèses dentaires, la question se pose entièrement.
Avez-vous pensé à actualiser et à comprendre votre chaîne de valeur future ?
Raison#3 : Le client (ou le patient) post-COVID.
C’est devenu presque un slogan : le monde post-pandémique ne sera pas « comme avant ». Tout change et tout est incertain, qu’elle que soit la philosophie qu’on adopte. Par ailleurs, pour faire une parenthèse, l’humanité a connu dans son passé, des périodes bien plus incertaines que cette pandémie et il y a fort à parier que d’autres crises auront lieu dans l’avenir. Nous vivons tout simplement une période qui nous demande une fois de plus de la lucidité, de l’humanité et de la réflexion.
Ce qui intéresse vraiment, c’est quels effets de moyen et long terme laissera vraiment « cette pandémie » ?
Il y a déjà des grandes tendances qui se dégagent lorsqu’on regarde de manière pragmatique :
- des modes de consommation plus éthiques
- la nette préférence pour la personnalisation
- la recherche d’une meilleure valeur de produit pour l’argent
- le « switching » de marques
- dépenser mieux comme alternative à dépenser plus (à temps, plus juste, pour plus de valeur)
- l’effet « d’inertie post COVID »
Bref, il y a autant des changements qui invitent à prendre du recul, se poser et repenser son « business model » et la structure de sa chaîne de valeur.
Raison #4 : « l’Effet Suisse »
Avant la Seconde Guerre Mondiale, l’horlogerie de luxe était un secteur très lucratif et un club qui jouait presque à « guichet fermé ». Pourquoi donc ? Parce que le savoir-faire et la production étaient dominées largement par la France et la Grande Bretagne. Les produits issus de ces savoir-faire uniques, étaient réservés à une clientèle très aisée et donc à un marché plutôt restreint.
Lorsque je demande de quelle origine est la marque Rolex, la plupart des réponses que j’obtiens sont : «la Suisse, bien sûr, quelle question, c’est même marqué sur la montre». C’est vrai, c’est marqué sur la montre « swiss made ».
Pourtant c’est faux, il s’agit bien d’une marque anglaise fondée à Londres en 1905 sous le nom Wilsdorf & Davis et qui avait enregistré le nom de marque « Rolex » (devenue par la suite Rolex Watch Co Ltd et domiciliée à Genève en Suisse… je vous laisse trouver son histoire).
Comment se fait-il qu’un pays comme la Suisse est devenu en espace de 50 ans, le leader mondial de l’horlogerie de luxe?
La réponse est simple, en étudiant le marché et les produits, en travaillant avec curiosité, en améliorant et en optimisant les coûts et surtout en ayant compris le business model.
En effet, réduire les coûts en maintenant une qualité excellente a permis d’accéder à des couches sociales supplémentaires avec suffisamment de pouvoir d’achat pour accéder aux nouveaux produits proposés.
Que se passe-t-il aujourd’hui avec les produits de type «replica made in China » ?
Pourquoi des entrepreneurs chinois font acquisition de brevets, designs, manufactures ou usines de marques tombées un peu dans l’oubli sur le marché de la montre ? Pourquoi certains n’hésitent pas même à intégrer des mouvements ETA de précision ?
Il y a une vingtaine d’année, l’inscription « made in China » faisait gentiment sourire ou carrément se méfier. Pour certains produits, cela est encore vrai même aujourd’hui.
En revanche, pour beaucoup de produits, plus personne ne prend cette inscription avec méfiance. Dans quelques années, il y a fort à parier qu’on prendra cette inscription comme gage de qualité dans certains domaines. Cette tendance est d’ailleurs confirmée dans beaucoup de domaines, même technologiques et bien cohérente avec la décision de la Chine de sortir de la position « d’usine du monde ».
Je ne fais pas l’éloge du prestige national ou de l’économie chinoise. Bien, où veux-je en venir alors?
Je viens au fait que cette tendance est plus globale et répandue qu'on ne le croît. Inutile de chercher d'autres exemples au niveau intercontinental. Ils peuvent s’observer même au niveau local et à d’autres niveaux : concurrents nationaux, régionaux et locaux.
Savez-vous qui présente une menace « d’effet Suisse » pour votre business ?
#5 Les conséquences de la segmentation introduite par les réseaux sociaux
Quel que soit le domaine et la taille de l’entreprise, accroître sa visibilité et soigner sa réputation est clé dans un monde où la communication et la e-réputation jouent des rôles centraux.
Considérons ceci, la matière première du business des réseaux sociaux n’est ni la pub, ni ce qu'on voit sur les pages en ligne.
C’est tout simplement nous. Que vous soyez connecté comme personne physique ou comme entreprise, la matière première c’est l'humain qui est devant la page et en particulier votre temps de connexion.
En effet, il y a un lien quasi mathématique entre le temps que vous y passez et les énormes retombées en recettes de marketing encaissées par les gros du net.
En période de crise économique et pandémie, lorsqu’on est confrontés à des limitations sévères dans les déplacements et les ouvertures des entreprises, la « social data », offre une source inespérée de vérité sur les audiences. Ces mégadonnées révèlent quelques effets surprise et quelques effets contre-intuitifs.
En effet, alors que tout est interconnecté en temps réel, que la propagation des informations peut prendre des formes « virales » en termes de vitesse et mutation de contenu.
Comment expliquer donc qu'à la place de constater une uniformisation et une égalisation des opinions, on voit émerger « la segmentation »?
Pour faire simple, « la segmentation » est une forme tribale de web social avec une modération « à ventre mou».
D’ailleurs, parfois les détourages de ces communautés sont tellement subtils que les membres ont du mal à saisir le périmètre de la communauté.
Ceci présente des avantages pour certaines marques dont le stratégies marketing visent à créer des communautés de consommateurs fidèles puisque l’implémentation de « trackers » est facile à mettre en place.
Il y a aussi d’autres avantages comme profiter des retours d’expérience de ceux qui ont des problématiques similaires, éviter certains pièges en collectant des informations avant de se lancer dans un investissement, demander un renseignement à un groupe avec les mêmes problématiques, etc….
Ceci étant dit, il faut savoir éviter certains écueils.
Malheureusement, pour les membres, se faire piéger par ces types de communautés, revient à s’exposer à des risques comme le renforcement de certains biais (qui deviennent des « convictions »), le ralentissement de l’innovation, la non stimulation de la créativité, le rejet des opinions qui s’opposent à celle de la communauté, le renforcement de stéréotypes de pensée voir le fait de prendre les « idées reçues » pour des vérités.
En effet, comme l’information reçue est souvent facilement assimilable, dynamique et immédiatement disponible, ça à l’air de la réalité…sauf que cette « réalité », ce n’est pas celle dont vous avez fait l’expérience mais celle dont on vous a servi le feedback.
C’est ce qui se passe également lorsqu’on fait partie de toutes sortes de groupes de « catégories professionnelles », catégorie d’entreprises, classes d’entrepreneurs, réseaux pro etc…
Sans réfuter leur utilité, ces réseaux, n’aident pas toujours à percevoir la vue globale ni à calibrer sa perception.
Dans l’aéronautique, on a l’habitude de calibrer ses instruments avant le vol et faire un checkup de l’environnement avant le vol.
Avez-vous fait la démarche de confronter votre perception à celle d’un consultant exposé à des cas plus diverses, plus interdisciplinaires et qui peut vous offrir un point de vue plus large et plus neutre ?
Quantum Consulting Services est à votre écoute.
Quantum Consulting Services – Décembre 2020